30 juillet 2014
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Le rapport pour l’année 2013 du Service central de prévention de la corruption (SCPC) ne figure pas encore sur le site du ministère de la justice, bien que le service soit rattaché à ce ministère. Cette discrétion est regrettable, car ce rapport est un indicateur d’alerte sur l’état de la probité publique en France.
D’abord, il confirme la faiblesse de la réponse judiciaire. Peu d’affaires de grande corruption sont jugées. Par exemple, sur les 30 infractions uniques de corruption active étudiées en 2012, seules deux d’entre elles ont fait l’objet d’une peine de prison ferme (pour 6 l’année précédente) pour une durée moyenne de trois mois. Le montant moyen des amendes ferme est de 2 217 € (850 € en 2011).
La réponse administrative est également faible. Presque tous les ministères ignorent les dispositifs d’alerte professionnelle en matière de probité publique. Et peu d’autorités sollicitent le concours du SCPC : en 2013, le Service a été saisi de 44 demandes: 2 émanant d’autorités administratives, 15 d’autorités judiciaires et 27 de particuliers, associations et conseillers municipaux.
Et malgré les réformes récentes, d’importantes carences législatives demeurent. Le SCPC rappelle en particulier le court délai de prescription. Certes, la jurisprudence fait de plus en plus souvent courir le point de départ de la prescription au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Mais cette jurisprudence est réversible et le principe est celui de la prescription triennale. Le législateur a refusé en 2013 de consacrer cette jurisprudence dans la loi.
La probité dans la vie locale
Une part importante du rapport est consacrée à la prévention de la corruption dans les collectivités territoriales. Les masses financières concernées sont importantes : 221,4 milliards d’euros de dépenses totales, dont 52, 6 milliards en investissements soit près de 75 % des investissements publics civils réalisés en France.
Pourtant, les facteurs permissifs de la corruption demeurent. Trop d’élus sont engagés dans des partenariats d’affaires avec des promoteurs, des aménageurs, des industriels et des grands groupes de services. Les contrôles sont faibles. En particulier, les chambres régionales des comptes disposent de pouvoirs, d’effectifs et de moyens de contrôle limités au regard des enjeux. Et les préfets, en charge du contrôle de légalité, sont “en position de faiblesse structurelle par rapport aux élus”.
En matière de commande publique, le droit est “mouvant et facilement contourné”: l’acheteur public dispose de nombreuses possibilités de détourner les règles pour avantager certaines entreprises à des fins d’enrichissement personnel, ou pour soutenir des proches, ou encore pour financer l’action politique”. Et le risque n’est pas moins élevé en matière de délégation de services publics et de partenariat public-privé.
Les propositions
Au regard de cette situation, le SCPC formule de nombreuses propositions, qui gagneraient à être mises en oeuvre.
Certaines recoupent les préoccupations d’Anticor. En particulier, nous avons demandé de subordonner la candidature à des fonctions électives à la production d’un extrait de casier judiciaire vierge de tout délit d’atteinte à la probité. C’était même une demande emblématique de notre plaidoyer en 2013, lors de la préparation des débats sur la transparence. Cette proposition a été rejetée à l’initiative du gouvernement au prétexte d’un “risque constitutionnel”.
Le SCPC reprend la proposition, qui figure dans la charte éthique Anticor pour les municipales, de mettre fin à une conception “accumulative” de la carrière politique locale: la fonction de maire doit être exclusive de toute présidence d’un autre exécutif local, comme la présidence d’établissement public de coopération intercommunale. Il reprend aussi l’idée de limiter le cumul des mandats locaux dans le temps à deux mandats successifs.
La charte déontologique des élus locaux proposée par le SCPC institutionnaliserait dans une certaine mesure le contenu des chartes éthiques d’Anticor.
Plus encore, serait rendue obligatoires l’élaboration et l’actualisation, à intervalle régulier, d’un plan de prévention des risques d’atteintes à la probité dans les collectivités et les entités les plus importantes du secteur public local.
Et comme Anticor, le SCPC défend la formation initiale et continue des élus locaux, qui devrait notamment comprendre un volet sur la prévention des atteintes à la probité. Le SCPC prévoit pour cela la création d’un Réseau des écoles de service public car certains partis financent déjà des vraies-fausses formations, et il faut en finir avec de type de pratiques.
Ce dispositif sera utilement complété par quelques propositions techniques, mais simples dans leur principe, pour endiguer la corruption en matière de commande publique. Il s’agirait :
de rendre obligatoire l’utilisation d’un logiciel de gestion des marchés publics et créer d’un fichier central de passation des marchés publics ;
de rendre obligatoire l’établissement de rapports de négociation ;
de clarifier le régime permettant de passer des avenants à un marché ou à une délégation de service public ;
de permettre l’accès effectif des conseillers aux documents afférents aux marchés et contrat en temps utile avant les réunions délibératives
d’imposer aux exécutifs locaux de rendre compte de l’exécution des opérations d’équipement.
Enfin, le conseil municipal doit pouvoir jouer pleinement son rôle, et l’opposition doit être convenable informée. A minima, le SCPC propose d’accroître le nombre des conseils afin d’éviter l’approbation sans débat ni contrôle de décisions préparées par l’exécutif local. Il avance aussi l’idée d’une traçabilité des décisions, notamment par la rédaction d’un procès verbal après chaque réunion.
La prévention du clientélisme en matière d’emploi local est bienvenue. Elle suppose en particulier d’améliorer la transparence du recrutement et de la promotion des agents en créant un portail national unique de l’emploi public local. De même, un statut protecteur pour les directeurs généraux des services, apparenté à celui des directeurs d’hôpitaux ou des directeurs d’offices publics d’HLM.
Les contrôles doivent être renforcés. D’abord, en interne, par l’obligation pour les collectivités de se doter d’une instance de contrôle et d’audit interne. Ensuite, les contrôles externes imposent le renforcement des pouvoirs des moyens de chambres régionales des comptes.
Enfin, des sanctions doivent être prévues. Comme le SCPC, Anticor a proposé de rendre les élus locaux justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Et pour avoir souvent observé ou subi des refus illégaux de communication des documents administratifs, nous ne pouvons qu’approuver la proposition de sanctionner pénalement le non-respect des règles de communication des documents de gestions aux citoyens, qui se heurtent trop souvent à des refus illégaux de communication.
Autant de suggestions pour le législateur qui pourraient utilement enrichir la proposition de loi sur l’exercice du mandat par les élus locaux, et qui se substitueraient avantageusement à légalisation partielle des conflits d’intérêts prévue par ce même texte.
D’abord, il confirme la faiblesse de la réponse judiciaire. Peu d’affaires de grande corruption sont jugées. Par exemple, sur les 30 infractions uniques de corruption active étudiées en 2012, seules deux d’entre elles ont fait l’objet d’une peine de prison ferme (pour 6 l’année précédente) pour une durée moyenne de trois mois. Le montant moyen des amendes ferme est de 2 217 € (850 € en 2011).
La réponse administrative est également faible. Presque tous les ministères ignorent les dispositifs d’alerte professionnelle en matière de probité publique. Et peu d’autorités sollicitent le concours du SCPC : en 2013, le Service a été saisi de 44 demandes: 2 émanant d’autorités administratives, 15 d’autorités judiciaires et 27 de particuliers, associations et conseillers municipaux.
Et malgré les réformes récentes, d’importantes carences législatives demeurent. Le SCPC rappelle en particulier le court délai de prescription. Certes, la jurisprudence fait de plus en plus souvent courir le point de départ de la prescription au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Mais cette jurisprudence est réversible et le principe est celui de la prescription triennale. Le législateur a refusé en 2013 de consacrer cette jurisprudence dans la loi.
La probité dans la vie locale
Une part importante du rapport est consacrée à la prévention de la corruption dans les collectivités territoriales. Les masses financières concernées sont importantes : 221,4 milliards d’euros de dépenses totales, dont 52, 6 milliards en investissements soit près de 75 % des investissements publics civils réalisés en France.
Pourtant, les facteurs permissifs de la corruption demeurent. Trop d’élus sont engagés dans des partenariats d’affaires avec des promoteurs, des aménageurs, des industriels et des grands groupes de services. Les contrôles sont faibles. En particulier, les chambres régionales des comptes disposent de pouvoirs, d’effectifs et de moyens de contrôle limités au regard des enjeux. Et les préfets, en charge du contrôle de légalité, sont “en position de faiblesse structurelle par rapport aux élus”.
En matière de commande publique, le droit est “mouvant et facilement contourné”: l’acheteur public dispose de nombreuses possibilités de détourner les règles pour avantager certaines entreprises à des fins d’enrichissement personnel, ou pour soutenir des proches, ou encore pour financer l’action politique”. Et le risque n’est pas moins élevé en matière de délégation de services publics et de partenariat public-privé.
Les propositions
Au regard de cette situation, le SCPC formule de nombreuses propositions, qui gagneraient à être mises en oeuvre.
Certaines recoupent les préoccupations d’Anticor. En particulier, nous avons demandé de subordonner la candidature à des fonctions électives à la production d’un extrait de casier judiciaire vierge de tout délit d’atteinte à la probité. C’était même une demande emblématique de notre plaidoyer en 2013, lors de la préparation des débats sur la transparence. Cette proposition a été rejetée à l’initiative du gouvernement au prétexte d’un “risque constitutionnel”.
Le SCPC reprend la proposition, qui figure dans la charte éthique Anticor pour les municipales, de mettre fin à une conception “accumulative” de la carrière politique locale: la fonction de maire doit être exclusive de toute présidence d’un autre exécutif local, comme la présidence d’établissement public de coopération intercommunale. Il reprend aussi l’idée de limiter le cumul des mandats locaux dans le temps à deux mandats successifs.
La charte déontologique des élus locaux proposée par le SCPC institutionnaliserait dans une certaine mesure le contenu des chartes éthiques d’Anticor.
Plus encore, serait rendue obligatoires l’élaboration et l’actualisation, à intervalle régulier, d’un plan de prévention des risques d’atteintes à la probité dans les collectivités et les entités les plus importantes du secteur public local.
Et comme Anticor, le SCPC défend la formation initiale et continue des élus locaux, qui devrait notamment comprendre un volet sur la prévention des atteintes à la probité. Le SCPC prévoit pour cela la création d’un Réseau des écoles de service public car certains partis financent déjà des vraies-fausses formations, et il faut en finir avec de type de pratiques.
Ce dispositif sera utilement complété par quelques propositions techniques, mais simples dans leur principe, pour endiguer la corruption en matière de commande publique. Il s’agirait :
de rendre obligatoire l’utilisation d’un logiciel de gestion des marchés publics et créer d’un fichier central de passation des marchés publics ;
de rendre obligatoire l’établissement de rapports de négociation ;
de clarifier le régime permettant de passer des avenants à un marché ou à une délégation de service public ;
de permettre l’accès effectif des conseillers aux documents afférents aux marchés et contrat en temps utile avant les réunions délibératives
d’imposer aux exécutifs locaux de rendre compte de l’exécution des opérations d’équipement.
Enfin, le conseil municipal doit pouvoir jouer pleinement son rôle, et l’opposition doit être convenable informée. A minima, le SCPC propose d’accroître le nombre des conseils afin d’éviter l’approbation sans débat ni contrôle de décisions préparées par l’exécutif local. Il avance aussi l’idée d’une traçabilité des décisions, notamment par la rédaction d’un procès verbal après chaque réunion.
La prévention du clientélisme en matière d’emploi local est bienvenue. Elle suppose en particulier d’améliorer la transparence du recrutement et de la promotion des agents en créant un portail national unique de l’emploi public local. De même, un statut protecteur pour les directeurs généraux des services, apparenté à celui des directeurs d’hôpitaux ou des directeurs d’offices publics d’HLM.
Les contrôles doivent être renforcés. D’abord, en interne, par l’obligation pour les collectivités de se doter d’une instance de contrôle et d’audit interne. Ensuite, les contrôles externes imposent le renforcement des pouvoirs des moyens de chambres régionales des comptes.
Enfin, des sanctions doivent être prévues. Comme le SCPC, Anticor a proposé de rendre les élus locaux justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Et pour avoir souvent observé ou subi des refus illégaux de communication des documents administratifs, nous ne pouvons qu’approuver la proposition de sanctionner pénalement le non-respect des règles de communication des documents de gestions aux citoyens, qui se heurtent trop souvent à des refus illégaux de communication.
Autant de suggestions pour le législateur qui pourraient utilement enrichir la proposition de loi sur l’exercice du mandat par les élus locaux, et qui se substitueraient avantageusement à légalisation partielle des conflits d’intérêts prévue par ce même texte.